Samedi 18 octobre 2025, CurioCity a assisté à la conférence de presse du Prix Lumière 2025, décerné à Michael Mann. Voici la retranscription de ce temps d’échange.
Depuis le début de votre carrière, vous avez toujours évité les suites. Pourquoi avoir choisi de faire une suite à Heat ?
Tout d’abord, merci pour cette question. Les personnages sont extrêmement vivants dans mon esprit. J’ai toujours voulu raconter d’autres histoires autour d’eux, même si, comme vous le savez, la fin du premier film est assez absolue pour l’un d’entre eux.
Pour la suite, je vais jouer avec le temps. Heat 2 devrait démarrer un jour après la fin du premier film, puis nous repartirons en arrière. On va jouer avec des allers-retours temporels, afin d’explorer encore davantage et d’aller plus loin avec ces personnages.
Restons sur Heat 2. Est-ce que le film sera basé sur le livre ?
Ce sera une sélection, car le livre contient suffisamment de matière pour faire plusieurs films.
Une question par rapport à votre film Ferrari. Pourquoi ce parti pris sur la vie d’Enzo ? On peut dire que c’est un peu « l’anti-Le Mans 66 » que vous avez produit. Il y a même des scènes très dures à regarder.
Je suis ami avec Piero Ferrari (le fils d’Enzo) depuis une vingtaine d’années maintenant, et j’ai été passionné par l’histoire de son père et de cette famille. Modène, aussi. Il y a là-bas quelque chose d’unique. Enzo était fascinant : il avait cette passion pour son travail, pour la vitesse, pour les voitures… et en même temps il était plein de contradictions. Il avait notamment deux familles. On peut dire qu’il était l’acteur de sa propre vie.
Je vais vous donner un exemple pour illustrer cela.
Quand nous avons commencé à travailler sur le film, Piero m’a dit : « Regardez, j’ai une valise de mon père que je n’ai jamais ouverte. » Avec Adam Driver (qui joue Enzo), nous sommes allés l’ouvrir dans son bureau, et nous avons découvert quelque chose d’incroyable : elle était remplie de journaux intimes, des notes qu’il écrivait depuis les années 1930 ! Toute sa vie y était détaillée de manière très fine et précise. Cela nous a évidemment beaucoup servi.
Modène aussi a joué un rôle dans cette immersion. Là-bas, tout respire Ferrari. On se promène, on entre chez le coiffeur, et c’est la même famille qui rasait Enzo Ferrari chaque matin. Tout cela a nourri le film. Il y a chez lui quelque chose de très mélodramatique, et en même temps profondément ironique. Il jouait lui-même de cette dualité.
Concernant la violence, il ne faut pas oublier qu’il s’agissait d’un sport extrêmement dangereux à l’époque.
Tout l’enjeu était de montrer que, malgré le détachement qu’Enzo affichait publiquement, il n’arrivait pas à digérer la mort des pilotes qu’il engageait. Entre 1955 et 1958, la majorité des pilotes Ferrari sont morts en course, et cela a été un fardeau terrible pour lui.
Hier, lors de votre masterclass, vous disiez aimer être à l’avant-garde technologiquement. Allez-vous utiliser l’IA ? Qu’en pensez-vous ?
Probablement. Je n’utilise les technologies que lorsque j’en ai réellement besoin, pour obtenir l’image que je veux. Je n’emploie pas une nouvelle technologie simplement pour dire que je l’utilise. Il faut que ce soit nécessaire.
Je peux en revanche déjà vous dire que dans mon prochain film, il y aura ponctuellement des effets spéciaux pour rajeunir ou vieillir les acteurs.
Y a-t-il une scène, dans un film récent, qui vous a marqué ?
J’admire beaucoup le travail de Christopher Nolan, qui est obsédé par la réussite de chaque plan. Je pense également à Saint Omer d’Alice Diop. Le contrôle absolu qu’elle a sur ses acteurs et sur ses images me fascine.
Pour Heat 2, vous êtes passé de Warner Bros à Amazon-MGM Studios. Peut-on craindre que le film ne sorte pas en salles, comme Ferrari ?
Oui, le film sortira en salles (aux États-Unis en tout cas) dans environ 4 000 cinémas, pour être précis. Je comprends votre inquiétude après Ferrari, mais c’était un cas particulier : le film a été extrêmement difficile à faire. Finalement, Amazon a été le seul à me soutenir et a donc décidé du mode de diffusion.
Pour Heat 2, j’avais besoin de moyens importants, car le tournage se déroulera entre Chicago, Los Angeles, le Paraguay, et peut-être Singapour. Amazon-MGM Studios permet cela. Je peux vous assurer qu’Amazon a l’ambition de devenir un studio majeur, avec de vraies sorties en salles. C’est d’ailleurs pour cela qu’ils ont acquis les droits de James Bond.
Et la suite ? Un projet particulier ?
Après Heat 2, si tout va bien, je vais travailler sur un film autour de la guerre du Vietnam. Je vais également produire un western pour Scott Cooper.
