Dans le cadre de son concert au festival Les Folles Escales au Creusot, nous avons discuté avec Leonor Harispe du groupe de musique Cuarteto Tafi.

Bonjour à vous ! Alors pour commencer, j’aimerais revenir un peu sur les origines du groupe. J’ai regardé votre site bien sûr, mais pour commencer, j’aimerais que vous rappeliez un peu comment tout a commencé. Ça vient d’un voyage en Argentine, c’est bien ça ?

Oui, exactement. On s’est rencontrés tous les quatre il y a une quinzaine d’années, au pied de la montagne des Sept Couleurs, dans le nord-ouest argentin, le pays où j’ai grandi. Au départ, c’était autour du folklore argentin. Petit à petit, c’est devenu à la fois une histoire d’amour pour l’Argentine, et une histoire d’amitié entre nous quatre. C’est ce qui nous a permis de sortir notre premier album, en hommage au folklore argentin.

On s’est rencontrés grâce à cette musique populaire, que nous avons ensuite réarrangée avec nos histoires et nos instruments : un bouzouki grec, une guitare, un oud et des percussions afro-latines. Puis, au moment du deuxième album, est née l’envie de composer. Progressivement, on s’est éloignés du folklore argentin, sans abandonner ma langue maternelle, l’espagnol, dans laquelle j’écris et je chante encore aujourd’hui.

On a voulu s’affranchir des structures rythmiques parfois rigides du folklore, pour laisser entrer nos différentes influences : flamenco, jazz, rock… jusqu’à arriver à une sorte de world music, une fusion latine.

Justement, en écoutant vos albums, on sent bien cette transition. Pouvez-vous nous parler un peu plus du parcours des autres membres du groupe et de leurs influences ?

Bien sûr. Les parcours sont très riches.

  • Ludovic, le bouzoukiste, vient du métal. Il jouait dans un groupe de métal avant de découvrir le bouzouki grec lors d’un voyage. Depuis, il ne l’a plus quitté. Depuis deux albums, il joue aussi du bombo legüero, une percussion argentine.
  • Matthieu joue de la guitare nylon et flamenca. Il vient du flamenco et du jazz, mais il s’est ouvert à d’autres horizons et joue aussi du oud, qui apporte toute sa rondeur et sa profondeur aux compositions.
  • Frédéric, lui, vient de la salsa. Au départ, il jouait des congas et des bongos. Avec nous, il a réintroduit le cajón, d’origine péruvienne mais aussi présent dans le flamenco. Depuis le troisième album, il a ajouté des sons électro et des samples, qu’il déclenche sur scène à l’aide de pads. On collabore beaucoup avec des beatmakers pour créer ces textures sonores.

Toutes ces influences se retrouvent dans nos créations.

D’accord. J’ai aussi vu que vous aviez travaillé avec Leïla Martial.

Oui. Pour moi, en tant que chanteuse, et pour les garçons aussi, Leïla Martial reste une référence. C’est une grande artiste, pas seulement dans le jazz mais dans la liberté qu’elle a trouvée dans sa voix. Elle est devenue une amie très chère.

Elle a participé à notre album Mijas, qui est celui de l’engagement. On enregistrait un morceau sur l’assassinat de George Floyd et on lui a proposé d’y poser sa voix. Elle est venue en studio, elle a enregistré en deux heures, et ce morceau est devenu emblématique pour nous. C’était aussi notre premier clip, réalisé avec elle.

Est-ce qu’il y a d’autres artistes avec lesquels vous aimeriez collaborer ?

Oui, j’aimerais beaucoup travailler avec Sílvia Pérez Cruz, une chanteuse catalane absolument sublime, avec une voix pleine d’influences. Et pourquoi pas Clara Ysé, qui chante aussi un peu en espagnol. Nous avons des amis en commun, donc c’est possible.

Et concernant les langues, avez-vous envie de chanter dans d’autres langues que l’espagnol ?

Le français va arriver bientôt, je pense. C’est ma langue d’accueil, donc ça viendra naturellement. Pour l’instant, j’écris en espagnol car mon cœur reste argentin, mais je sens que le français va s’imposer assez vite. Peut-être par des adaptations de morceaux existants. Mais chanter dans une autre langue est un vrai défi : la tessiture, le son, la sincérité changent.

Pour ceux qui ne connaissent pas encore votre musique, vers quels artistes vous orienteriez pour se rapprocher un peu de votre univers ?

Je citerais La Chica. On ne fait pas la même musique, mais il y a cette idée d’une chanteuse portée par une orchestration dense. Il y a aussi la Vénézuélienne Rebecca Roger Cruz, devenue une amie, et Ëda Diaz, contrebassiste de La Chica, qui a maintenant son projet solo. Elle mêle électro et acoustique de manière très intéressante.

Et si vous deviez donner une recommandation musicale ?

Sílvia Pérez Cruz, sans hésiter. Il faut écouter tous ses albums, elle multiplie les collaborations originales avec des artistes espagnols et latino-américains. Elle reste très accessible, loin des grosses scènes, et c’est une artiste incroyablement sincère.

Et si vous n’aviez pas fait de musique, qu’auriez-vous fait ?

C’est une question que je me pose souvent. Je pense que j’aurais travaillé dans le milieu artistique malgré tout, mais peut-être aussi dans le social ou l’environnement, quelque chose qui mélange les deux.

Et pour les thématiques de vos chansons, y en a-t-il une que vous aimeriez aborder davantage ?

Oui, le corps de la femme. J’ai déjà beaucoup écrit sur les rapports hommes-femmes, le féminisme, mais je voudrais explorer plus précisément le corps de la femme, de la naissance à la mort. Travailler sur les injonctions, les stéréotypes, l’appropriation du corps féminin. Ce sera l’une des thématiques du prochain album.

Justement, parlez-nous un peu de ce futur album.

Nous restons quatre au noyau, mais nous avons intégré un cinquième membre (qui ne sera malheureusement pas présent au Creusot) : Camille Floriot, trompettiste et percussionniste. Il apporte de nouvelles sonorités, beaucoup de présence, et enrichit notre univers avec sa trompette et son bugle.

L’album sortira en décembre 2026. En attendant, nous allons travailler en résidence en 2025-2026 : compositions, textes, puis scène. Comme toujours, nous inviterons des artistes que nous aimons et respectons pour enrichir chaque morceau.

Très bien. Et pour finir, est-ce votre première fois dans la région ?

Oui, une première ! Mais toutes les découvertes se passent bien : c’est toujours une rencontre sincère, avec le public comme pour nous.

Parfait, merci beaucoup.

C’est moi qui vous remercie.

Le site web du groupe : www.cuartetotafi.com

Crédit photo : Vincent Pinson

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